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  • Photo du rédacteurBénédicte Monnoye

Droit de tirer


Ce matin, en écoutant la radio, j'entends la liste du nombre de victimes au Haut Karabagh, en Israël, en Palestine, en Ukraine… Et là, je me suis demandé à quel moment précis on arrivait à se donner le droit de tirer sur quelqu'un? A quel instant précis on arrivait à s'accorder la légitimité de le tuer?

Quel est ce déclic où tu dépasses la frontière et que tu te dis que c'est permis? Que l'autre n'est plus rien? Quel est-ce moment où toute forme d'empathie disparaît?

Quelle est cette limite où tu perds ton âme, ton esprit et que ton cœur se transforme en bloc de pierre et t'empêche de réfléchir?

Quel est cet instant où tu tombes dans la barbarie, où tu te délectes de torturer un autre être humain?

Quel est-il cette seconde où tu choisis de prendre une arme de guerre et d'abattre tes amis dans la classe? Quel est-il ce moment où ton voisin avec qui tu trinquais il y a peu devient l'ennemi à exterminer? Où la femme qui t'aimait désespérément est devenue ton souffre douleur? Quel est-il ce moment où tu décides que tu as le droit de vie ou de mort sur une autre personne que toi? Quel est ce minuscule espace où la personne en face de toi devient une quantité négligeable et où sa vie ne dépend plus que de ton bon vouloir?...

Je ne parle pas de la légitime défense, celle où tu défends ta vie à tout prix, non, je parle de ce moment où gratuitement tu décides d'éliminer quelqu'un, de l'effacer, où l'autre perd toute identité, toute humanité et toi ton humanité. Où l'autre n'est plus qu'un objet, un jouet avec lequel t'amuser.

Je me suis toujours demandé à quel moment cela se déclenchait.

Est-ce à la seconde où tu enclenches ton arme? Ou celle où tu dégaines ton pistolet, ou sors ton couteau de son fourreau? Ou serait-ce bien avant?

Est-ce que ça a toujours été en toi ou est-ce qu'à un moment, tu es sorti de toi ? Ou est-ce que ça s'est distillé petit à petit en famille, en groupe, à l'école?

Est-ce parce que tu as été élevé d'une certaine manière, rétrécissant les points de vue? Où serait-ce grâce à l'approbation d'une puissance suprême qui te permet de déverser ta haine, ta rancœur et de te défouler en dépassant les limites de ton mur Facebook?

Quel peu d'estime de soi est nécessaire pour affronter ces choix…

A quel instant dis-moi? A quel instant précis tu te mets à regarder un être humain autrement?




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